Archéologie des bateaux

de l'Isère

 

ETUDES ET TRAVAUX

Version 2011

 

 

1- L'ETUDE DES BATEAUX FLUVIAUX

Quoique des épaves de bateaux n'aient jamais été recherchées ou trouvées dans le lit de l'Isère, la découverte récente d'une vieille embarcation dans un grenier et l'orientation des études vers la compréhension de la structure des coques, autorisent à parler d'archéologie des bateaux de l'Isère. D'ailleurs la description détaillée de la barque sera profitable d'abord aux archéologues spécialisés.

L'étude des bateaux a commencé en 1990. Elle a été effectuée par A. Schrambach, ingénieur hydraulicien, qui a réalisé au préalable (entre 1986 et 1993) une très grosse compilation relative à l'archéologie des bateaux - marins et fluviaux - en Europe.

Archéologie des bateaux en Europe de la Préhistoire au XVe siècle ap J.C. (1998)

 

Les objectifs de l'étude des bateaux de l'Isère étaient :

-d'analyser les formes des coques et de déterminer leurs dimensions

-de définir les structures de ces bateaux et leur évolution

-de les comparer avec les barques des bassins fluviaux voisins.

Ces études ont été menées à partir des images disponibles (photographies, images d'artistes qui présentent très souvent des détails ou des ensembles sans ou avec peu de distorsions), des textes et de la barque trouvée récemment dans un grenier. Ces images ont été réunies par le Musée Dauphinois de Grenoble.

 

MAQUETTES

La construction d'une trentaine de maquettes au 1/33ème a été entreprise (bateaux de transport, bacs à traille, rabeaux, moulin bateau, éléments pour un diorama).

Elles furent réalisées essentiellement par Paul Couégnas et également par Jean Capolini et Philippe Bernardin.

Ce travail est essentiel pour bien comprendre la coque d'une barque.

 

Fig : La carte de l'Isère se contente de présenter l'environnement de la rivière, entre sa source dans les Alpes près de la frontière italienne

et sa confluence avec le Rhône en amont immédiat de Valence.

 

 

2- GENERALITES SUR LA BATELLERIE ET LES BATEAUX DE L'ISERE

 

La batellerie de l'Isère, affluent du Rhone, est ancienne. Des textes indiquent déja la présence de radeliers dans les premiers siècles ap JC mais il n'est pas impossible que dès le Bronze sinon le Néolithique (par analogie avec les embarcations des lacs alpins et jurassiens) des esquifs de nature inconnue (radeau, pirogue monoxyle) étaient utilisés sur la rivière (transport local, pêche).

Il faut attendre les textes de la fin du Moyen Age pour avoir des informations irréfutables. Des noms de bateaux, et leurs usages, sont cités sans que l'on connaisse leurs descriptions et leurs structures. Aux Temps Modernes on voit apparaître des images d'artistes qui comportent fréquemment des détails bien représentés. Enfin aux XIXe et XXe siècles des photographies sont disponibles, témoins précieux en particulier pour la sapine, la cyzelande et le barquot.

Après une existence d'au moins deux millénaires, la voie fluviale de l'Isère qui assurait les liaisons Savoie-Dauphiné et pays méditerranéens périclita. La navigation commerciale s'arrêta à la fin des années 1860, concurrencée par les routes modernes et le chemin de fer. Les derniers radeaux et bateaux disparurent vers les années 1930.

 

Fig : Le dessin précédent, sans relation avec l'Isère, montre le passage d'une barque sous un pont (XIVe siècle).

Les manoeuvres étaient complexes surtout si le courant était fort, ce qui est le cas de l'Isère. Ensuite il fallait payer la taxe de passage (péage).

 

 

L'analyse des coques montre que leur évolution fut la même que sur les autres fleuves de France. D'abord construction sur sole, de barque à formes simples mais dont la résistance mécanique était réduite. Puis apparition des coques avec des voussures, plus solides, mais plus complexes à construire. La proue était en forme de galoche mais quelques barques à étrave (toujours sur sole) existèrent plus tard. Les poupes d'abord simple prolongement de la sole (relevée) furent ensuite équipées de tableaux inclinés puis sub-verticaux. Des barques construites sur quille, mais à fond plat pour s'adapter au milieu fluvial, issues du milieu marin, existèrent également. Les gouvernails évoluèrent de la simple rame gouvernail (empeinte) jusqu'aux gouvernails du type piautre (terme de la batellerie de Loire). On parle aussi des barques à timon.

Les barques de l'Isère avaient des points communs avec celles de Haut Rhône à Seyssel. Toutefois les dimensions étaient plus réduites (25 m. max) sur l'Isère et la charge utile (à longueur égale) était plus faible, probablement parce que le tirant d'eau (lié à l'épaisseur de l'eau dans la rivière) était plus petit.

Les radeaux furent utilisés tout le long de cette histoire iséroise ponctuée de naufrages, car la navigation n'était pas celle pratiquée sur une rivière tranquille.

A la descente le moteur était le courant de la rivière surtout fort à l'aval de Grenoble (une douzaine d'heures pour aller de cette ville à la confluence avec le Rhône). La remonte se faisait lentement par halage avec des trains de boeufs (15 à 18 jours pour faire le chemin inverse). La voile, malgré quelques images délicates à interpréter, ne fut jamais utilisée.

La vitesse de la barque par rapport à l'eau était nulle lors de la descente. De ce fait elle était très difficilement manoeuvrable : dans les passages difficiles on utilisait une empeinte de poupe et aussi une autre à la poupe ainsi que des perches. Les gouvernails utilisés n'avaient pas de mèche (axe vertical). Ils pouvaient pivoter dans le plan vertical afin de ne pas se briser sur les hauts fonds et les rochers invisibles.

Le tableau suivant présente quelques informations chronologiques et techniques :

 

Fig : Ce chronogramme présente des informations relatives à la présence (probable pour les périodes anciennes) de quelques bateaux sur l'Isère

dont on connaît les caractéristiques. Le suivant présente d'autres informations.

 

 

3- DECOUVERTE D'UNE BARQUE DE L'ISERE

 

Durant l'été 2000, une barque a été trouvée .... sous une soupente surélevée. Il s'agit en quelque sorte d'une épave trouvée à l'air libre ce qui simplifia grandement son analyse. Son étude détaillée a été réalisée par Alain Schrambach et Alain Truchet qui a apporté ses connaissances en matière de bois. Il s'agit très certainement de la première description minutieuse d'un bateau de l'Isère.

Bien que ce barquot, long de 4,90 m, large (plat bord) au maître couple de 1,5 m, ne soit qu'une modeste barque utilisée pour la pêche et lors des crues qui inondaient les abords des fermes, son interêt réside dans sa coque, sa structure, ses formes et son mode de construction.

La construction est sur sole, constituée de plusieurs planches monoxyles. Les murailles, en sapin comme la sole, sont totalement monoxyles. Le bouchain est assez ouvert. La coque présente une voussure longitudinale marquée : la proue et la poupe sont plus hautes que la maître couple. De même la partie la plus ventrue est nettement plus large que l'avant et l'arrière.

La proue comporte la pièce la plus complexe correspondant à la jonction des deux murailles, de la sole et d'un embryon de pontage. C'est aussi la partie la plus massive avec une liaison par assemblage du type tenon-mortaise. La proue est du type "en galoche" c'est à dire sans étrave : elle domine le plan d'eau et "l'écrase".

La poupe est en tableau legèremment incliné, constitué de plusieurs virures de formes variées.

Les membrures, en chêne, sont en bois tors, c'est à dire coupés sur l'arbre après recherche de la bonne dimension et surtout de l'identité avec l'angle du bouchain. Elles assurent la liaison entre la sole et les murailles, liaison complétée par de petits clous jouant le rôle des chevilles utilisées autrefois.

Le calfatage nous ramène également plusieurs siècles en arrière. Réalisé uniquement sous la ligne de flottaison, il nécessite des raccords de planches en dièdre (virures du tableau et sole). On mettait dans cette rainure, dans l'ordre, au marteau de calfat, un joint en mousse naturelle (de buis ?), une fine languette de sapin et pour finir des agrafes ou crochets métalliques (happe ou appe)

Le mode de construction, les relations avec les autres barques de l'Isère, les ratios définissant sa structure sont présentés dans l'article paru en 2003 (cf après).

Une maquette de la barque de Tullins a été construite par Paul Couegnas.

 

 

Fig : l’unique barque de l’Isère, retrouvée et décrite avec minutie

 

4- CONSTRUCTION DES COQUES

 

Les anciennes barques fluviales de la région étaient construites sans plans. C’est le cas également des grands bateaux de l’Océan Indien, dénommés boutres ( Clifford W. Hawkins  Les boutres, derniers voiliers de l’Océan Indien Edita 1981) et des barque du Léman (Pierre Duchoud  Le temps des barques. Voiles latines du Léman. Cabédita 1998)

Les artisans agissaient selon la coutume en se référant à des valeurs, des rapports pré définis. C'est ainsi que la barque de Tullins présente une légère dissymétrie transversale (qui apparaît sur le dessin suivant et la maquette) due à ce travail artisanal.

Il en était de même pour les grosses coques : la barque du Léman à double voile latine (lointaine cousine des galères génoises des années 1300), longue de 41 mètres, construite à Thonon-les-Bains au début des années 2000, a été bâtie en utilisant un gabarit. Il s'agit d'une pièce courbe longue de plusieurs mètres, en bois, crantée à intervalles réguliers, de forme et de longueur bien définies, retrouvée sur place dans un vieil arsenal et permettant de tracer la forme des membrures de bordé et des varangues (ou membrures de carène). On peut citer de même les bateaux du golfe Persique (construits au Kérala - république Indienne - et dans le sultanat d'Oman). Certains atteignent 40 mètres de long.

 

CONSTRUCTION A L'ECHELLE 1, D'UNE BARQUE DE L'ISERE

A la demande de la municipalité des Molettes, Paul Couégnas et A. Schrambach ont participé aux travaux et études préliminaires à la construction d'une cyzelande modifiée pour servir de bac (dimensions réduites, accès facilité et plateforme pour les voitures). Le bac de St-Martin d'Hères a été retenu comme modèle (fourniture du plan du bateau au 1/20e, d'une grande maquette, de rapport de fouilles -Rhône, Saône, Isère- conseils etc). La construction pourrait commencer en 2007.

 

ANALYSE DES COQUES DES BATEAUX FLUVIAUX

* Après l’étude  suivante …. Images de la batellerie de l'Isère.   

A. Schrambach, P. Couegnas   Le Monde Alpin et Rhodanien  1er - 4 ème trimestre 1999

Ce sujet a été repris et complété en particulier avec des calculs comparatifs.

* Descriptions de quelques bateaux de l’Isère    Textes d’Alain Schrambach,   maquettes de Paul Couegnas

(40 pages,   26 figures) non publié  2006 -  2009

 

Consulter : A. SCHRAMBACH  Les bateaux sur l’Isère à propulsion ramique 2009

 

 


 

BIBLIOGRAPHIE, CONFERENCES

EN RELATION AVEC CES TRAVAUX

 

Etudes récentes de l'auteur

 

Dans les Chroniques Rivoises :

  1. SCHRAMBACH Les origines de la navigation dans le Dauphiné et la Savoie et les bateaux sur l’Isère Chroniques Rivoises n°22 novembre 1996
  2.  

Dans le Monde Alpin et Rhodanien :

A. SCHRAMBACH, P. COUEGNAS Images de la batellerie de l'Isère.   Le Monde Alpin et Rhodanien  1er - 4 ème trimestre 1999

A. SCHRAMBACH Découverte et analyse d'une barque de l'Isère. Décembre 2001 (texte d'annonce)

 

Dans les guides Gallimard :

  1. SCHRAMBACH  L’Isère, un axe économique  Guides Gallimard Isère 1998
  2.  

Divers :

A. SCHRAMBACH, A. TRUCHET   Découverte d’un bateau de l’Isère. (description détaillé). Non publié. Grenoble 2004

P. BERNARDIN,  A. SCHRAMBACH  Note relative aux premiers voyages sur l'Isère des bateaux à vapeur.  Grenoble   1997 (consultable à la Bibliothèque Municipale de Grenoble)

A. SCHRAMBACH  Les bateaux et les transports fluviaux sur l'Isère. Grenoble 1995 (consultable au Musée Dauphinois et à la Bibliothèque Municipale de Grenoble)

A. SCHRAMBACH Archéologie des bateaux en Europe des origines au XVI ème siècle (compilation) Grenoble Seconde édition 540 pages  1998 (consultable au Musée Dauphinois, à la Bibliothèque Municipale de Grenoble et au Musée de la Marine à Paris)

A. SCHRAMBACH La navigation sur l'Isère. 2009

A. SCHRAMBACH  Les bateaux sur l’Isère, analyse des coques 2009 (compléments à l’étude de 1999)

A. SCHRAMBACH  Les bateaux sur l’Isère à propulsion ramique 2009

A. SCHRAMBACH  Navigation sur l’Isère : les ports fluviaux 2009

A. SCHRAMBACH  La construction des bateaux de l’Isère 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Divers textes et études (anciennes et récentes) sur la batellerie de l'Isère et les bassins limitrophes

 

GENERALITES SUR LA BATELLERIE

E. RIETH   Des bateaux et des fleuves, Archéologie de la batellerie du Néolithique aux Temps Modernes en France   Ed. Errance   1998

J. CONNAN Le calfatage des bateaux Pour la Science n°298 août 2002

L'AXE ECONOMIQUE

JP. JOSPIN Epoque gallo-romaine : Rhône-Alpes, la vallée de l'Isère à l'époque romaine. Archéologia n° 335 juin 1997

A. SCHRAMBACH Epoque médievale : Les bateaux et les transports fluviaux sur l'Isère. Grenoble 1995

R. FAVIER Epoque moderne : L'Isère et son rôle dans l'économie et l'organisation de l'espace régional du XVII ème au XIX ème siècle.   Le fleuve et ses métamorphoses - Actes du Colloque International 1993.

A. SCHRAMBACH  L’Isère, un axe économique   Guides Gallimard Isère 1998

LES HOMMES

JP. DUBOURGEAT  Une rivière et des hommes : aperçus sur les gens de l'Isère aux XVIII ème et XIX ème siècles.  in La ville et le fleuve 112 ème congrès national des Sociétés Savantes Lyon 21 à 25 avril 1987.  Editions du CTHS  p 253-272.   1989

LA NAVIGATION

ANONYME  La navigation sur l'Isère.  Almanach du Vieux Dauphinois 1995

JP. DUBOURGEAT  Une voie commerciale entre Savoie et France : l'Isère ; Aperçus sur sa navigation. in La Savoie, identité et influences  Acte du XXX ème congrès des Sociétés Savantes de Savoie Le Bourget du Lac p 251-264 .  1984

R. FAVIER  La navigation sur l'Isère : dynamisme et déclin.  La Lettre, Grenoble Culture n° 37 (mai 1995 - juillet 1995)

LES BATEAUX

A. SCHRAMBACH, A. TRUCHET   Découverte d’un bateau de l’Isère.  Bulletin de la FAPI (Fédération des Associations du Patrimoine de l'Isère)- Grenoble 2003 (description détaillée)

A. SCHRAMBACH, P. COUEGNAS   Images de la batellerie de l'Isère.    Le Monde Alpin et Rhodanien  1er - 4 ème trimestre 1999

P. BERNARDIN  A. SCHRAMBACH  Note relative aux premiers voyages sur l'Isère des bateaux à vapeur.  Grenoble 1997 (consultable au Musée Dauphinois et à la Bibliothèque Municipale de Grenoble)

A. SCHRAMBACH   Les origines de la navigation dans le Dauphiné et la Savoie et les bateaux sur l’Isère    Chroniques Rivoises   n°22 novembre 1996

A. SCHRAMBACH Les bateaux et les transports fluviaux sur l'Isère. Grenoble 1995 (consultable au Musée Dauphinois et à la Bibliothèque Municipale de Grenoble)

AUTRES ACTIVITES

S. FOUILLAND, D. FURESTIER   Le flottage sur la Durance et sur l’Isère hier et aujourd’hui.   Le Monde Alpin et Rhodanien 1er - 4 ème trimestre 1999

S. FOUILLAND.  Radeaux et radeliers du Rhône et de ses affluents.  Maison du Rhône Givors  6/1997

A. PEYRONEL  Les moulins-bateaux. Des bateliers immobiles sur les fleuves d'Europe    Le Chasse Marée n°11

MONOGRAPHIES REGIONALES

A l'aval de Grenoble : ANGELIQUE FOREL Une voie de communication essentielle, l'Isère.Patrimoine de l'Isère, Chambaran Musée Dauphinois 1999.

BASSINS VOISINS

H. AMOURIC Les moulins à nefs du Bas-Rhône (XIIe - XIXe siècles).    Le Monde Alpin et Rhodanien  1985.

L. BONNAMOUR Archéologie de la Saône Ed. Errance 2001

P. DUCHOUD  Le temps des barques, Voiles latines du Léman  Editions Cabédita 1998

P. DUFOURNET  Seyssel la batelière, aux derniers temps de la navigation sur le haut Rhône.    Le Monde Alpin et Rhodanien 1993

I. GERETSCHLÄGER La batellerie du Rhône. Le Petit Francilinois janvier 2000

R. JANOD Les radeliers de la vallée de la Bienne (Jura).   Le Monde Alpin et Rhodanien 1985

C. LONCHAMBON Les bacs de la Durance Publications de l'Université de Provence 2001

J. ROSSIAUD Dictionnaire du Rhône médieval CARE Musée Dauphinois Grenoble 2002

A. SCHRAMBACH  Archéologie des bateaux en Europe des origines au XVI ème siècle (compilation)   Grenoble Seconde édition, 540 pages  1998 (consultable au Musée Dauphinois, à la Bibliothèque Municipale de Grenoble et au Musée de la Marine à Paris)

 


 

conférences

 

Les bateaux de l'Isère A. Schrambach : août 1999 à Chirens et août 2000 à Virieu

La navigation et les bateaux sur l'Isère A. Schrambach : janvier 2005 à Grenoble, août 2005 à Chirens, à la Côte Saint André et à St-Etienne-de-Crossey en novembre 2006.

2009 à Noyarey, Gières et l’Arthoudière.

 

Une conférence, sur Power Point, relative à la construction des bateaux fluviaux, a été préparée.

 

 


 

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FIN